Un peu d’histoire…
Par Mike, le 15 septembre 2006 à 15:22

Je crois que j’avais dans les 4 ou 5 ans quand j’ai commencé à prendre conscience de ce que j’étais. Je ne prétends pas une seconde avoir réellement tout compris si jeune, c’était encore très diffus. La sensation d’un malaise inexplicable. Une douleur au creux du ventre sur laquelle on n’arrive pas à mettre de mot. Je sentais un problème, un décalage… On voulait m’habiller en robe alors que je voulais des shorts, on m’epechait de me couper les cheveux, on m’offrait des poupées et on ne me laissait pas jouer au foot… On peut parler de « garcon manqué » mais c’était plus fort que ca. D’ailleurs j’ai toujours détesté ce terme de garcon « manqué ». Je ne voyais pas du tout en quoi j’étais manqué… Avec le recul, je me rend compte que c’est un peu ca…

Je me souviens exactement du moment où j’ai compris. J’avais 7 ans. C’était un soir où j’étais au lit, en train de m’imaginer des histoires de héros et j’ai réalisé que ce monde que j’inventais n’était pas juste un délire. Que dans le fond j’étais ce petit garcon que je ne laissais exprimé que lorsque je fermais les yeux. A cette époque, je l’ai bien pris. Je ne réalisais pas une seconde les conséquences que ca pourrait avoir sur ma vie. Puis quand on a que 7 ans, les clivages filles/garcons sont moins dur que ceux des ados, et physiquement les différences sont moindres. Les gens avaient fini par plus ou moins accepter mon coté garcon manqué, et je pouvais donc être ce moi dans chacun de mes jeux.

Je n’en ai parlé à personne. J’avais honte de ce que j’étais… Quelques années après, j’ai découvert ce mot : « transsexuel ». J’ai trouvé ce terme des plus horribles. D’un coup, ce que j’étais porté un nom, qui en plus donnait une impression de bizarerie de la nature. J’ai appris aussi qu’on opérait les gens (je croyais qu’il suffisait d’une ou deux opérations et paaaf on se retrouvait dans le bon corps !) et j’ai pas mal fantasmé sur cette idée : me faire opérer et m’enfuir là où personne ne connaitrait mon passé, mais je me sentais incapable de faire subir ça à mes parents. Alors j’ai choisi le silence, j’ai laissé la honte faire son travail, tout en espérant au fond de moi que quelqu’un s’apercoive qu’il y avait eu une erreur, que mère nature rattrape sa bourde et que mon p’tit zizi commence enfin à pousser.

Et pendant que je revais de barbe, de prise de muscle, de mue, d’erection & co. La nature a repris ses droits et au lieu de se transformer en homme, mon corps s’est transformé en femme. Putain d’enfer que la puberté. Putain d’enfer que cette poitrine qui se met à pousser, que ces premières règles… Quitter le cocon de l’enfance pour l’adolescence… Fini la belle vie du primaire. J’avais imaginé le collège comme on peut en voir dans les séries télés… J’ai pris une sacré claque ! Tous ces gens qui me regardaient de travers en se demandant ce que je pouvais bien être, le défilé perpétuel des p’tits cons à chaque récré avec cette question « t’es une fille ou un gars ? », les remarques des mecs du genre « hey t’es trop belle toi, tu veux pas sortir avec moi ? » pendant que toute la classe éclate de rire, les boulettes des profs parfois plus que maladroit « heu… Amélie c’est pas un prénom féminin normalement ? », les rumeurs d’homosexualité… Je ne sais même pas comment j’ai pu tenir… Je suis ressorti de la en miette. Je n’osais plus regarder personne dans les yeux. J’en étais parano. J’imaginais que chaque rire était pour moi. Je faisais tout pour être transparent et ne plus avoir à subir aucun regard.

Puis petit à petit, j’ai reppris le dessus. J’ai eu la chance de rencontrer des gens qui m’ont pris comme j’étais sans poser aucune question. On m’a foutu la paix sur mon physique, et laissé vivre le néant amoureux que je « souhaitais » tranquille. Je suis devenu « Blat » comme on aimait me surnommer. Ni homme, ni femme. Juste « Blat ». J’ai appris à séparer chaque partie de ma vie pour survivre. Le coté lycée/pote, le coté familial, et le coté Mickael que je ne laissais éclater que lorsque je fermais les yeux. Une telle organisation ne peut être qu’éphémère… Arrive un moment où il devient insuportable de rêver sa vie, il faut la vivre !

18 ans… Gros pétage de plomb… Trop longtemps que j’étais spectateur du temps qui passe. Mais trop de honte pour m’assumer en tant que mec. J’ai choisi de tenter de me la jouer lesbienne. J’avais envie de gouter moi aussi aux premieres expériences amoureuses. Je croyais que c’était la seule solution. A vrai dire je n’imaginais pas une seconde qu’on puisse vouloir de moi en tant que fille vu la tête que je me trainais. Alors j’ai sauté sur la premiere fille qui s’est interessé à moi. J’ai tenté de refouler tout ce que j’étais du plus fort que j’ai pu. J’ai tenté d’y croire, de m’inventer des sentiments et une histoire. J’ai tout envoyé rouler en pensant que c’était ça ou rien et qu’il ne fallait pas le laisser passer. Mais ce truc est trop énorme pour le faire taire. Il revenait toujours… Pendant deux ans, j’ai plus ou moins reussi à gagner et à en faire abstraction… Puis c’est devenu trop fort.

La chute a été monstrueuse. Deja je me suis retrouvé coincé dans une vie que j’avais construite de toute pièce et qui me faisais horreur. Difficile de quitter un quotidien pour lequel on a tant donné meme si on le deteste. Il a fallut du temps, beaucoup de temps pour accepter de baisser les bras face à ma transsexualité. Mais j’ai fini par comprendre que j’allais y passer, que je ne pourrais pas faire illusion longtemps, et que si je ne faisais rien pour reparer tout ca… Je ne tiendrais pas longtemps… Putain de choc que de réaliser que le seul avenir que j’avais devant moi… c’était de me flinguer ! Je savais que la seule issue de secours était d’avoir les couilles d’assumer et de faire tout ce qu’il faudrait pour devenir un homme.

Aujourd’hui je me rend compte que si Elle n’avait pas été là, je serais resté à me morfondre pendant des années avant d’avoir le courage. Si je n’avais pas lu dans ses yeux qu’il n’y avait aucune honte, j’aurais surement perdu beaucoup de temps encore. Je sais que je ne suis qu’au début d’un immense bordel, d’un parcours du combattant qui va prendre des années. Mais je sais aussi que si je ne le fais pas il n’y a qu’à en finir tout de suite. Je suis conscient qu’il va me falloir beaucoup de courage et aussi de chance pour obtenir ce que je veux… Mais au moins il y a une lueur d’espoir.

Pour le moment, je me considère donc en « trans »ition. Ni homme, ni femme, mais quelque part au milieu. Je deteste cette position. Mais c’est deja un enorme soulagement que d’en être là, que de pouvoir dire aux gens que « je suis un mec c’est tout », que de ne plus avoir honte. J’essai de rester réaliste, même s’il est difficile de ne pas fantasmer sur tout ca. Je crois surtout qu’il faut que je reste conscient que mon corps ne sera jamais celui d’un homme bio. Mais une fois viré cette poitrine qui m’embarrasse, une fois changée cette voix qui m’insupporte, une fois ce putain d’état civil modifié. Je serais un homme. Un homme avec un physique un peu différent. Un peu petit, avec quelques cicatrices, constamment sous hormone, et avec un sexe un peu étrange. Mais tout ça ne sera « que » un problème physique, comme une malformation.

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