Par Mike, le 16 septembre 2006 à 14:57
C’était il y a deux ans je crois… P’tre un peu moins. (Pour resituer, dans ma période lesbienne presque fière de l’etre, on refoule ce qu’on est jusqu’au bout.) J’me retrouve avec cette invitation pour aller voir la projection d’un film en ville. Un truc de cinéma gay/lesbien si j’ai tout suivi. Des mois que je déprime dans cet appart tous les soirs sans sortir, ca m’fera pas de mal.
Me voila donc dans cette salle. La premiere chose que je remarque c’est qu’ils n’ont pas l’air très « gays » ces gens. Y’a cette femme au premier rang. Un visage bien féminin, mais le crane rasé et fringué comme un mec. J’me surprend à me dire « Tiens quelqu’un un peu comme moi ». Ca m’arrivait souvent de me faire cette reflexion en voyant une fille très masculine. Je parcours le reste de la salle du regard. Y’a un truc étrange mais j’arrive pas à cerner. Il y a toutes ces femmes qui me donnent une sensation étrange. Elles font toutes au moins 1m80, avec de larges épaules et la machoire bien carrée, fringuée un peu dans l’extreme féminin : mini jupe et talons hauts. Sur le coup j’ai pensé qu’elles devaient etre travesties. Y’a vraiment un truc étrange dans l’ambiance mais j’ai du mal à comprendre.
Une femme entre, elle marche la tete haute et va s’assoir au le bureau au tout devant de la salle. On nous la présente comme l’actrice principale du film. Elle a un peu la meme carrure que les autres, mais elle fait moins « cliché » donc je fais pas attention plus que ca. Elle se met à parler, elle a une voix étrange, comme un peu cassée. J’ai du mal à l’imaginer actrice principal d’un film lesbien. Elle nous explique que le film parle d’une femme trans, que c’est un des rares films où le personnage d’une trans et joué par une actrice trans. Mouarf, j’l'avais pris pour une femme 100% bio moi. Je suis quelque peu surpris de n’y avoir rien vu. Elle nous dit qu’on va d’abord voir le film, puis qu’on débattra ensuite. Intérieurement j’me prépare deja à ressortir en morceau de la salle. Je sens que j’vais bien remuer tout ce qui dort en moi…
Je ne me rappelle plus trop du film en lui même. Aucun souvenir du titre, un vague souvenir de l’histoire. Une femme qui était donc anciennement un homme et qui doit faire face à son passé le jour où elle apprend qu’une fille avec qui elle a couché il y a dans les 10 ans, quand elle était encore « il », a eu un enfant d’elle. Une vague histoire d’amour par dessus avec un mec qu’elle rencontre et qui a un peu beaucoup de mal a se faire à l’idée qu’elle ne soit pas totalement une femme. Je me rappelle de cette scène. Quand il comprend tout, il entre comme un fou dans la salle de bain alors qu’elle était sous la douche et la force à se montrer nue. On la voit donc, avec ce corps féminin, cette poitrine… et mon regard est d’un coup attiré par ce truc qu’elle essaye de cacher entre ses jambes. J’en suis tout retourné. Je suis peu au courrant de ce qui se fait en terme d’opération, mais j’ai du mal à comprendre que quelqu’un soit moins mal avec un corps mi homme, mi femme, qu’avec un corps 100% masculin. Je me dis que je prefererais rester comme je suis, mal de ne pas être un mec plutot que de me retrouver comme ca, au milieu à n’etre ni l’un ni l’autre.
Fin du film. L’actrice lance le débat. Une femme dans la salle prend la parole. C’est alors que je comprend qu’elle n’est pas travestie mais transsexuelle. Je me sens con d’etre si long à tilter ce soir. Elle parle de la difficulté de son parcours, des opérations faites plus ou moins légalement à l’étranger puisque c’est limite impossible en France. Elle espere pouvoir obtenir un changement d’état civil, parce que elle en chie grave pour trouver du travail dans ses conditions. Une autre se leve et parle. Elle aussi trans. C’est alors que je comprend qu’il n’y a aucun travesti mais que des trans dans la salle. Putain quand je vous dis que j’suis long à comprendre aujourd’hui ! A tour de role elles tiennent ce meme discours. Putain j’imaginais pas que c’était si dur. Et dire que gamin je croyais que c’était tout simple de changer de sexe. Aucun mec dans la salle. Je suis un peu décu. J’ai envie de prendre la parole et de parler de mon expérience dans mon sens a moi. Mais je ne m’en sens pas le courage, alors je reste à les écouter en silence. Un truc qui m’a choqué. C’est qu’elles ont toutes dit être lesbienne dans leur situation d’arrivée. Je me rend compte que je ne m’étais jamais posé cette question. Je n’ai toujours vu que mon cas personnel… Mais il est logique qu’il existe des trans homo meme si j’avoue ca me dépasse un peu. Je sais que je ne devrais pas juger mais bon… je trouve ca étrange de rejeter tant son coté masculin qu’on se retrouve fringué selon des vrais stéréotypes féminin et qu’en plus on ne veuille que des femmes dans son lit. J’imaginais que tout le monde était « comme moi » à la recherche d’une pseudo normalité.
Au final j’aurais appris beaucoup de chose ce soir là. Je suis surpris de ne pas me sentir plus mal. Je crois que de les avoir entendu parler toute la soirée de l’enfer qu’elles vivent au quotidien en étant femme, qui plus est lesbienne, avec un état civil masculin m’a refroidit. Je ressors limite soulagé de ne pas etre reellement « comme ca ». Je me dis qu’il faut être vraiment vraiment mal pour en arriver là, et faire le « choix » de cet enfer. Dans le fond, je suis content d’arriver à tolérer ce décalage entre mon corps et moi. C’est dur par moment, même plus que dur quelque fois, je sens ce truc me ronger de l’interieur. Mais j’arrive à vivre avec…
Du moins c’est ce que je croyais à l’époque.
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