Annecdote du jour : (Hé oui, le monologue d’hier m’a donné envie de retenter l’experience). J’ai été chez l’ophtalmo ce matin. Après ca, direction l’opticien pour le choix des montures. J’entre dans la boutique. La vendeuse vient vers moi. « Bonjour c’est pourquoi ? ». « Bah heu… pour des lunettes ? ». On se retrouve devant l’ensemble des montures. A l’endroit exact où se sépare la partie homme et la partie femme. J’la vois hésiter, me devisager, chercher un indice. La voix ? Mais cette apparence ? Elle tente de matter mon torse… Pas de poitrine :/ Elle s’en sort pas. Finalement, elle me demande mon ordonnance « pour voir les verres qu’il me faut ». J’ai bien vu qu’elle n’a fait que regarder le prénom. La dessus, elle se dirige vers les modeles de lunettes femmes et me montre une monture rose fuchia… « Avec la tête et le look que j’me tire, tu crois vraiment que j’ai envie de lunette de pouf ? ».

(Fin de l’annecdote inintéressante du jour)

J’ai vraiment la sensation que la reconciliation avec mes parents ne tient qu’à un fil. Je sais qu’ils veulent être présents, je sais que dans le fond ils comprennent. Mais qu’ils ont trop mal. Je me rend compte quand je leur parle un peu qu’ils serrent les dents. Je sais qu’ils culpabilisent. Pour le passé, pour le présent, mais aussi pour le futur. Qu’ils pensent qu’ils auraient du être là et qu’ils ont failli à leur role, et qu’ils ont peur de ne pouvoir être là pour la suite car la douleur est trop forte.

Je crois que ma mère l’a toujours su. Je ne pense pas que toutes les mères demandent à toutes les petites filles si elles ne pensent pas être un garcon… Elle a cru que si jeune on ne pouvait pas mentir pour ca car on ne comprennait pas toutes les conséquences que ca a. Le truc, c’est qu’elle m’a dit « qu’il existait des gens comme ca, des petites filles qui se sentent garcon, et qu’il faut qu’elles voient un docteur pour accepter leur corps ». Sauf que je savais deja qu’il fallait aller dans l’autre sens. Faire de moi une fille c’était faire de moi quelqu’un d’autre.

Puis j’avais trop honte pour avouer. J’pense que tout le monde a deja vu Dumbo. (Qu’est ce que j’ai pu la matter cette K7… J’finissais toujours en larme, et j’la repassais au cas où la fin ait changée entre temps). Ce petit elephant aux grandes oreilles. Tout le monde les voient et se moque de lui. Mais sa mère, elle l’aime et c’est tout ce qui compte. Ces oreilles géantes elle ne les voit même pas. Je ne voulais pas que mes parents me regardent comme tous ces gens dehors me regardent. Je ne voulais pas qu’ils pensent que j’étais dingue. Je voulais qu’ils continuent d’etre fier de moi.

Mon père, c’est plus compliqué. Je crois qu’il a encore plus de mal… Parce que c’est un homme et parce que je suis sa « fille ». Je sais que c’est encore plus dur pour lui que pour ma mère que de comprendre. On a toujours eu une relation complexe, à se chercher des poux en permanence plutot que de se parler.

Tout ca me donne un peu l’impression que malgrès la bonne volonté de tous, l’équilibre est plus que fragile. De mon coté j’ai du mal à aller vers eux car je ne m’y sens pas à l’aise. Pas a l’aise dans leur regard, et pas à l’aise de voir le mal que je leur fais… Et c’est un peu pareil dans le sens, ils ne viennent pas trop vers moi non plus, sans doute ont ils peur de se bruler les ailes.

Au milieu de ca, il y a ma p’tite soeur. Quand on était plus p’tits, c’est toujours elle qui me defendait devant mes parents quand ils ralaient trop au sujet de mon look. Je crois que c’est une des personne qui a le mieux pris l’annonce de ma transsexualité. A tout de suite comprendre et me montrer son soutient. J’ai peur qu’elle l’ait justement trop bien pris. J’me doute que ca ne doit pas être facile à accepter pour elle non plus. Et j’avoue ne meme plus savoir ce qu’elle en pense. Ca me gene beaucoup de voir qu’on ne parle plus trop ces derniers temps. J’me demande souvent si c’est juste parce qu’elle a autre chose à faire ou si il y a quelque chose de plus grave…

J’ai longtemps culpabilisé vis à vis d’elle… Comment dire ? J’étais « la plus grande ». Elle avait toujours un tas de question. Souvent au sujet des garcons, du premier baiser et tout. J’pouvais pas lui dire la vérité alors j’faisais semblant de m’enerver et j’l'envoyais rouler. Ce qui fait que j’ai toujours eu la sensation de ne pas tenir mon role de grande soeur/grand frere. En plus de ca, quand j’ai disjoncté et que j’me suis taillé, elle s’est retrouvée bloquée avec mes parents. Et j’pense qu’ajouté à la peine de mon depart, son quotidien n’a pas du être très cool… J’ai pas envie de lui refaire vivre ca une nouvelle fois, même si dans le fond je sais que cette fois c’est surtout moi qui la met au milieu quand elle essaye de se tenir à l’écart.

Je n’ai pas la moindre idée de ce que tout ca va donner. Je crois qu’il faudra beaucoup de patience, de courage et de volonté pour faire tenir tout ce schmilblick en place…